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"La misère sexuelle des islamistes" et les fantasmes de Marcela Iacub
Je ne voulais rien écrire sur les attentats de Paris mais je me retrouve à prendre la plume pour parler d'un sujet connexe suite à la lecture de l'affligeant article de Marcela Iacub dans Libération (14-15 nov. 2015, p. 22) "De la misère sexuelle des islamistes".
Dans le Libération n°10726, p. 22, Marcela Iacub, riche nantie et chercheuse au CNRS, daigne nous apporter son éclairage d'intellectuelle qui a tout compris à la vie parce qu'elle a lu trois articles sur la misère sexuelle des hommes occidentaux pauvres, [de ceux qui, évidemment, ne fréquenteront jamais sa couche parce que pas assez riches]. Selon elle, si les pauvres petits musulmans de banlieue se radicalisent, c'est à cause de leur misère sexuelle. A défaut de pouvoir "tirer" des nanas, ils "tirent" dans le tas ! D'où la solution de Marcela Iacub à la radicalisation : "donner tous les moyens possibles pour que chacun d'entre eux ait une sexualité épanouie tout au moins possible et agréable, afin qu'ils ne transforment pas leur désir refoulés en actes de violence."
Ah ben oui, la solution est simple, tout n'est qu'un problème de libido. Mesdames, ouvrons les cuisses pour pacifier la France, que dis-je, le monde !! Non, mais on nage en plein délire ! Je pense, à titre personnel, qu'un certain nombre d'hommes qui font du footing au quotidien souffrent de misère sexuelle, ils ne tuent personne pour autant !
Ce qui me choque le plus dans le billet de Marcela Iacub, ad nauseam, c'est la méconnaissance crasse des banlieues de ces bobos qui croient la connaître à travers quelques statistiques, sans jamais y avoir mis un pied. Moi, j'en viens de la banlieue, comme une bonne partie de mes amis encore, et les descriptions que les bobos en donnent nous font bien rire tant elles sont en décalage avec la réalité.
Chère Marcela, si vous aviez grandi dans les tours HLM et fréquenté les établissements classés ZEP, vous sauriez que le sexe y est très présent, dès la prime adolescence. Que des filles qui le veulent bien s'adonnent à une sexualité très récréative - et sans doute pas de votre goût - dans les cages d'escalier ou dans les appartements désertés par les parents qui travaillent, avec des garçons très enclin à considérer toutes les femmes, en dehors de leur mère, comme des putains mais aussi avec des garçons bien sous tous rapports, comme il y en a partout. Il n'y a pas plus de misère sexuelle chez les jeunes de banlieue en voie de radicalisation ou non que chez les autres jeunes mais chez les jeunes de banlieues, il n'y a pas de draps de soie à 200€ et on n'a pas forcément l'assentiment de parents qui n'ont pas battu le pavé parisien en mai 68. Voilà la différence fondamentale.
En outre, une partie de cette jeunesse profondément nihiliste qui se radicalise est mariée, comme l'était au moins l'un des terroristes des attentats du vendredi 13 novembre. Les milieux radicaux ont des réseaux féminins, ne vous en déplaise, chère Marcela. Les jihadistes de Daesh ne se privent pas d'avoir une sexualité (très) épanouissante dans leur mariage (multiple) comme le permet l'Islam qu'ils dévoient pourtant. Il n'y a qu'à lire l'excellente enquête d'Anna Erelle Dans la peau d'une djihadiste pour s'en convaincre (Robert Laffont, 2015). Chez les djihadistes, on se la donne, tout simplement parce que la guerre et la sexualité vont systématiquement de paire. Les djihadistes sont des guerriers, pas des carmes !
Alors, chère Marcela, faites-nous la grâce de nous épargner vos réflexions de bobo hystérique freudienne qui croit que tous les conflits se résolvent sur l'oreiller, surtout pour les pauvres gosses de banlieue radicalisés "qui n'arriveraient pas à trouver de partenaires sexuelles - comme tant de mâles paumés de nos sociétés occidentales (Libé, 10726, p.22)". Votre ignorance des problématiques liées au djihadisme et votre condescendance à l'égard du petit peuple que vous ne connaissez que par quelques chiffres sont offensantes et répugnantes. Si dans votre vie, le sexe est la solution à tout, tant mieux ; veuillez croire que d'autres personnes ont des problèmes un peu plus grave qu'un déficit d'orgasmes.
Il est vrai que les auteurs des attentats du vendredi 13 ont visé une jeunesse qu'ils haïssaient parce qu'ils en étaient jaloux à en crever, une jeunesse insouciante, sans problème identitaire, qui ne s'interrogeait pas sur le sens de leur vie car ils étaient intégrés à la vie dans notre société, tout simplement. Leur haine n'est pas basée sur une pulsion libidinale non assouvie mais sur la frustration sociale et économique d'être cantonnés à la marge d'une société dont ils se sentaient désespérément exclus. Leur mal principal n'est pas la simple misère sexuelle mais la misère sociale dans toute sa complexité, terreau fertile de toutes les idéologies ultra-violentes contre lesquelles nous avons le devoir de nous battre.
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Commentaires
Outre les clichés crypto-stal-facho sur les bobos, merci pour les infos, qui mériteraient d'être plus diffusées. Le pb de Iacub est effectivement le dogmatisme freudien, qui a conditionné sa génération, et dont Claire Brétecher sur moquait dans ses BD sur les bobos, effectivement, dès les années 70-80. Ce qui montre aussi que certains n'étaient pas dupes.
Le vrai pb général est sans doute les clichés réciproques, qui substituent les dogmes à l'analyse de la réalité. D'où les fanatismes d'ailleurs. L'erreur est de croire que l'étude de la réalité est achevée, alors que ce qu'on sait d'autrui repose souvent, précisément, sur les clichés en question. Ce qui est inévitable puisqu'on n'a pas la science infuse.