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Les stéréotypes de genre dans les manuels scolaires
Voyons-nous des injonctions sociales là où nos enfants ne voient qu'un vaste champ des possibles ?
Je tombe ce matin sur un article de l'Express en ligne fustigeant sévèrement les manuels scolaires de CP qui véhiculeraient de sempiternels stéréotypes de genre, programmant, dès le plus jeune âge, nos chères têtes blondes à se conformer à une répartition sexuée des rôles plurimillénaire. http://www.lexpress.fr/education/stereotypes-sexistes-des-manuels-scolaires-loin-d-etre-innocents_1721493.html
En tant qu'historienne, je m'étonne un peu de la démarche des chercheuses qui me semble frôler par endroit la malhonnêteté intellectuelle quand je vois : "quand il s'agit de personnages réels: seuls 33,8% d'entre eux sont des femmes. " Ce pourcentage me semble déjà énorme quand on sait que les femmes n'ont eu qu'un accès très restreint à la sphère publique jusqu'à il n'y a pas si longtemps. Pour une Marie Curie, combien de Einstein, de Heisenberg, de Bohr ; pour une régente à poigne, combien de grands rois ? Il s'agit là d'une différence quantitative et non qualitative. Occulter l'inégalité homme/femme à travers l'histoire par une représentation paritaire des personnages historiques dans les manuels serait du révisionnisme. Notre histoire est inégalitaire. Il faut l'assumer. On ne manipule pas l'Histoire comme dans 1984 d'Orwell. Mais nous devons évidemment expliquer à nos enfants que la femme n'est pas ontologiquement inférieure à l'homme, qu'aujourd'hui, tout est possible. C'est pour cela que j'enrage quand j'entends Najat Vallaud-Belkacem dire à des enfants "Une fille peut aussi être maçonne". J'aimerais sincèrement l'entendre dire, "Une fille peut aussi être président de la République".
La même étude déplore de voir les petits garçons jouer dehors quand les filles sont cloîtrées dans le gynécée... euh, pardon, je voulais dire la maison. Là, j'ai franchement l'impression que les chercheuses du centre Hubertine Auclert jouent au Rorschach avec les images des manuels scolaires. Sur l'image ci-contre, voient-elle les filles frustrées qu'elles ont été petites ? Moi, je vois des filles satisfaites de voir s'éloigner deux gros bêtas car, comme on le sait, en période de latence, les enfants n'aiment pas beaucoup la mixité.
Les mêmes chercheuses se plaignent de la prévalence du masculin sur le féminin. Ainsi, les manuels évoquent la consigne donnée par le maître et non par la maîtresse alors que le métier est largement féminisé. C'est confondre égalité et grammaire comme l'explique si bien l'Académie française, garante de notre belle langue : http://www.academie-francaise.fr/actualites/feminisation-des-noms-de-metiers-fonctions-grades-et-titres . Je me souviens encore de ce jour où, en CE1, face à cette règle, deux petits garçons s'étaient exclamés "Ouais ! On gagne toujours ! ", confondant la grammaire et leurs petites personnes. La maîtresse avait répondu : "Qu'est-ce que vous gagnez ? Une porte ?" en désignant d'un geste autoritaire la porte de la classe qu'elle s'apprêtait à leur faire prendre. Il n'en avait pas fallu davantage pour les remettre à leur place.
Là où, nous, adultes, voyons des injonctions de se conformer, les jeunes enfants voient d'innombrables possibilités. Ils peuvent se projeter à l'envi sur tel ou tel personnage, humain ou animal, qui leur plait sans considération de genre ou de couleur de peau. Jamais un manuel scolaire n'aura le pouvoir d'interdire à une fille de jouer au ballon si elle en a envie. A entendre les fanatiques de l'égalitarisme, nos filles devraient avoir honte de jouer à la poupée ou d'aimer se déguiser en princesse. Elles se conformeraient ainsi à la société qui veut les confiner dans un rôle sexuel précis. Au contraire, ces fillettes montrent leur envie de devenir des femmes à l'aise avec leur féminité. Pourquoi leur dénier ce droit ? Ce qui est féminin est-il nécessairement frivole ? Voilà le stéréotype dont sont prisonniers ceux qui prétendent lutter contre les stéréotypes de genre. Je m'insurge !"Les filles en Louboutin marcheront sur le monde !" comme m'a dit récemment une de mes amies .
Trêve de plaisanterie ! Différent n'a jamais été un synonyme d'inégal, n'en déplaise aux chantres de l’égalitarisme qui rêvent d'un univers neutre où les filles ressembleraient furieusement à des garçons manqués... manqués donc.
Le problème de fond, à mon sens, n'est pas la représentation des hommes et des femmes dans les manuels scolaires de nos chérubins. Le véritable problème est l'accès à la culture. Plus vous êtes cultivés, plus vous êtes enclin à adhérer à l'égalité en tant que valeur souveraine. Cela ne dépend pas que de l'école, loin de là.
Aussi je tremble quand je lis dans cet article : " "Les manuels d'apprentissage de la lecture sont, pour beaucoup d'entre eux, le premier véritable livre qu'ils tiennent dans leur main, celui qui va les ouvrir au monde", explique Amandine Berton-Schmitt, co-auteure de cette étude avec Fiona Maury . " Quoi ?! la majorité des enfants ne toucheraient pas un vrai livre (mais existe-t-il de faux livres ?) avant l'entrée au CP ? Cette idée me fait réellement frémir d'angoisse. Il est peut-être là le vrai problème, non ?
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