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Bien mâle acquis ne profite jamais
Il faut lutter contre le proxénétisme et non contre la prostitution. Et si Zahia devenait le modèle de l’escort-girl triomphante ?
La 12 juin dernier, le tribunal correctionnel de Lille relaxe Dominique Strass-Kahn et Dodo la Saumure soupçonnés de proxénétisme aggravé dans l’affaire du Carlton. Le 16 juin, la cour d’appel de Paris condamne Abousofiane Moustaïd, plus connu sous le nom d’Abou Sofiane, pour proxénétisme dans l’affaire Zahia. Deux affaires assez similaires, deux verdicts résolument différents. La justice aveugle serait-elle plus clémente à l’égard de l’ancien directeur général du FMI que du fils d’immigré qui rêvait de remporter la finale de La nouvelle Star ? Deux poids, deux mesures ? Non, la différence n’est pas là, nous vivons dans un État de droit et, face au juge, nous sommes tous logés à la même enseigne. La différence entre ces deux procès est d’une autre nature. Elle se situe sur le terrain de la virilité. Il ne faut pas oublier que notre civilisation est gréco-romaine et, que depuis deux mille ans, notre société glorifie le mâle viril qui séduit les femmes et les met dans son lit. DSK participe à des parties fines dans des hôtels de luxe avec des filles que son ami Dodo la Saumure, entre autres, lui présente. DSK, héritier de l’antique citoyen romain, souffre tout au plus d’un petit excès de virilité… Dodo la Saumure, lui, tenancier de maisons closes en Belgique où la chose est parfaitement légale, se présente comme un « commerçant », pas comme un proxénète ! Soit. Personne n’est coupable de proxénétisme. Les hommes prennent leur plaisir et les filles, à l’instar de Jade, perçoivent discrètement leur rétribution pour service rendu. Cette dernière ne dépense pas sa paye bien méritée en artefacts de luxe, elle achète de la nourriture à ces deux enfants qu’elle élève seule. Jade incarne le cliché bien connu depuis l’Antiquité de la femme honnête que l’indigence contraint à se prostituer telle L’Andrienne du dramaturge latin du IIe siècle avant J.-C., Térence.
Abou Sofiane, lui, n’est pas propriétaire de bars à hôtesse. Il ne jouit pas du prestige bourgeois d’être patron. Il ne couche pas non plus avec la sculpturale Zahia. Pas d’excès de virilité donc. Il ne fait que présenter la jeune fille à des hommes qui paient chèrement les nuits de cette jolie Barbie à la peau hâlée puis elle lui reverse une partie de ses bénéfices. Abou Sofiane tombe en plein dans la définition juridique du proxénète. Le tribunal le sanctionne par deux fois, inéluctablement. Mais Zahia n’est pas Jade, elle n’apparaît pas aux yeux de la société comme une victime. Celle qui dit elle-même avoir été une courtisane (comme le fût l’impératrice Théodora, épouse de Justinien), s’est servi des hommes pour monter quatre à quatre les marches de l’échelle sociale. Répondant à l’autre cliché sur les prostituées, celui de la putain au grand cœur, elle blanchit Franck Ribéry et Karim Benzema en affirmant qu’ils n’ont pas rétribué ses prestations nocturnes. Ancienne prostituée, enfin absoute, Zahia devient une égérie de la mode, l’incarnation d’un glamour ultra-féminin, un paradigme de femme libérée, assumant son corps et ses désirs. Oserait-on dire une féministe ?
Elisabeth Badinter a raison. Il faut condamner énergiquement le proxénétisme mais cesser de voir la prostitution comme une nécessaire oppression. Jade n’est pas plus soumise que Zahia. Sortons-les des vieux clichés dans lesquels nous les avons enfermées et laissons-les faire leurs choix. La loi doit protéger sans stigmatiser celles qui ont choisi librement ce métier, quelles que soient leurs raisons. Les antiques Romains, eux, bien moins dépravés qu’on ne l’imagine trop souvent, savaient bien que les prostituées avaient une véritable utilité sociale : absorber les excès de virilité !
Tags : Zahia, DSK, Abou Sofiane, Dodo la Saumure, Virginie Girod, affaire du Carlton, proxénétisme, prostitution, Elisabeth Badinter
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